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Message de la conférence des évêques catholiques de Côte d’Ivoire pour des élections transparentes

message Côte d’Ivoire

La Croix Afica publie l’intégralité du message de la conférence des évêques catholiques de Côte d’Ivoire, livré le 19 janvier à la clôture de leur 114e Assemblée plénière, au Centre notre dame du Rosaire de Lahata, dans le diocèse de Korhogo (nord).

A nos gouvernants, à nos concitoyens et à tous ceux qui sont épris de justice et de paix pour notre beau pays, la Côte d’Ivoire.

Que le Dieu qui nous a réconciliés avec Lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation vous donne la grâce et la paix ! (cf. 2 Corinthiens 5, 18).

PRÉAMBULE

Au terme des travaux de la 114ème Assemblée plénière de notre Conférence au centre Notre Dame du Rosaire de LATAHA dans l’Archidiocèse de Korhogo, nous Archevêques et Évêques de Côte d’Ivoire, préoccupés par la situation socio-politique qui prévaut à la veille des élections générales dans notre pays, vous adressons ce message, comme une suite logique de celui délivré à Agboville en juin 2019, intitulé « Évitons-nous une autre
guerre ».

Dans les prochains jours, nous publierons une lettre pastorale sur « L’Église en Côte d’Ivoire, au service de la réconciliation, la justice et la paix ». Mais d’ores et déjà, nous désirons ardemment par le présent message, attirer l’attention de tous nos concitoyens sur quelques conditions d’élections justes et apaisées. Nous sommes tous invités à tirer des leçons d’un passé douloureux, afin de reconstruire notre pays et laisser aux
générations futures, un héritage d’unité et de paix.

ÉTAT DE LA SITUATION

Au sortir de la crise post-électorale de 2010, les autorités étatiques s’étaient fixé pour priorité la réconciliation et s’étaient engagés à ressouder le tissu social déchiré. Ce grand chantier avait suscité un immense espoir avec la mise en place successive de deux institutions : la Commission Dialogue, Vérité, Réconciliation (CDVR) et la Commission Nationale pour la Réconciliation et l’Indemnisation des Victimes (CONARIV).

Malheureusement, les résultats de leurs travaux n’ont pas eu de suite. Comme il fallait s’y attendre, les ressentiments ont ressurgi, entre autres, à travers les mutineries, les conflits intercommunautaires qui se sont soldés par des pertes en vies humaines. Ces conflits ont montré combien les cœurs ne sont pas encore apaisés et que tout peut exploser à tout moment. Surtout avec les armes utilisées lors de ces affrontements et qui révèlent que le
processus de désarmement tant souhaité au sortir de la crise post-électorale n’est pas allé à son terme.

A cette fracture sociale est venue s’ajouter celle des partis politiques fractionnés en plusieurs entités. Les alliés d’hier sont devenus des adversaires et même des ennemis aujourd’hui. Les rapports sont teintés de ressentiments, de revanche ou de vengeance, où l’on cherche désormais à se mesurer ou à s’écraser mutuellement. Progressivement s’installe dans notre pays un climat de peur et de terreur, et nous avons le sentiment diffus
de la menace et du déploiement de la force.

CONDITIONS POUR DES ÉLECTIONS APAISÉES

Les élections d’octobre 2020, nous en convenons, représentent un tournant décisif pour notre pays. Nous saisissons les enjeux importants qui se jouent dans ces consultations électorales, qui doivent être préparées minutieusement et avec la conscience qu’il s’agit là du destin et de l’avenir d’un peuple, d’une nation, voire d’une sous-région, en raison de ce que représente la Côte d’Ivoire pour la partie occidentale de l’Afrique. La situation sécuritaire de cette sous-région, rendue particulièrement délicate ces dernières années, doit nous convaincre que nous n’avons pas droit à l’erreur.

Au vu de cette situation, la première condition qu’il faut observer dans la préparation de ces élections doit être la réconciliation. Cette réconciliation suppose, voire exige le retour des exilés avec des garanties de sécurité et de réintégration, la libération de tous les prisonniers politiques et d’opinion, sans exception et le dégel des avoirs. Nous saluons tous les efforts accomplis par nos gouvernants dans le sens de la réconciliation, et les encourageons à aller plus loin. Nous rappelons qu’il est de leur devoir de créer toujours
davantage un climat d’apaisement nécessaire à la conduite d’élections apaisées. Tous les leaders politiques doivent s’inscrire dans cette dynamique, sans recourir à la violence comme solution aux problèmes.

La deuxième condition est celle de la concertation et du consensus, pour prendre en compte les exigences et les aspirations légitimes de tous les acteurs sociopolitiques et les avis éclairés de la communauté internationale. Le dialogue entre acteurs politiques et société civile si bien relancé récemment, la concertation nationale périodique, s’ils sont effectués dans la transparence et le respect de la différence, peuvent nous apporter un regain d’énergie et de fraternité constructive.

Nous devons en effet nous accorder sur le fait que les prochaines élections doivent être transparentes, crédibles et pacifiques, pour que tous acceptent les résultats qui en sortiront comme expression de la volonté de la majorité des Ivoiriens.

La troisième condition doit être l’instauration et la consolidation de l’Etat de droit qui implique le respect de la Constitution, afin que personne ne nourrisse l’intention ou la volonté de manipuler les personnes, les textes ni les institutions qui seront impliquées dans le processus électoral. Par ailleurs, le Pouvoir Exécutif devra agir de sorte à garantir aux
personnes et aux institutions, notamment la Commission Électorale Indépendante (CEI), une totale indépendance. Comme toute compétition, les élections ont besoin d’un arbitre.

De la position de l’arbitre dépend le bon déroulement de la compétition. Si l’arbitre est à la fois joueur et arbitre, la fin de la compétition est déjà connue. Par contre, si l’arbitre n’est qu’arbitre, avec une indépendance qui ne souffre d’aucun doute, la compétition se termine paisiblement. Voilà pourquoi le rôle d’arbitre dévolu à la CEI exige son indépendance
totale.

Or, la question de l’indépendance des structures devant arbitrer ces joutes électorales, comme la CEI divise et cristallise encore les tensions autant que le sont celles du découpage électoral, la question des pièces d’identité, de la liste électorale, du code électoral. Toutes ces questions exigent absolument un dialogue et une concertation entre tous les acteurs politiques, et méritent d’être étendues à la société civile.

La quatrième condition, qui est une conséquence logique de l’indépendance de la CEI, est celle d’une élection présidentielle ouverte, qui garantisse l’égalité des chances de tous les candidats désireux de compétir. La lutte contre l’exclusion trouverait ici tout son sens.

L’histoire est maîtresse de vie, et la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui peut éviter de laisser aux générations futures, l’image d’un pays miné par des dissensions politiques. Nous invitons donc tous nos concitoyens à vivre cette année 2020 de façon sereine, à reconnaître dans le calme et la lucidité, la gravité des problèmes qui sont les nôtres, sans désespérer de l’avenir.

Au terme de notre message, nous implorons la miséricorde divine sur notre pays et tous ses habitants, par l’intercession de Notre Dame de la Paix, afin que nos efforts de conversion soient soutenus, nos désirs de vérité, de justice, de réconciliation et de paix affermis et que notre nation continue sa marche dans la sérénité et la paix.

Fait à Korhogo, le 19 janvier 2020.
Les Archevêques et Évêques de Côte d’Ivoire.
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